18 juin 2013

La Chose Sentante

Cette réévaluation du corps hors de sa dimension organique porte en elle une érotique que [Mario Perniola…] n’hésite pas à décrire. Se faire chose sentante et se livrer à la sexualité neutre, c’est mettre son corps dans un état de totale disponibilité, ce qui n’est possible qu’à condition de s’en détacher. Tel est donc le propos de se faire chose ; éprouver son propre corps (et celui de son partenaire) dans la même relation d’extériorité que s’il s’agissait d’une chose. À cette objectivation participe ce qui, tout en étant proche du corps, détourne celui-ci vers l’inorganique, à savoir le vêtement :
« Se donner comme une chose sentante implique que les étoffes qui enveloppe le corps de mon partenaire se mêlent aux miennes créant un tout dans lequel on se promène durant des heures et des jours. Posséder une chose sentante implique que mes propres vêtements soient toujours et partout disponibles jusqu’à se confondre avec ceux de l’autre. Ainsi tombe la distinction entre donner et posséder tandis qu’un corps étranger, - ou, plutôt, un vêtement étranger- se constitue, n’appartenant à personne. (…)La langue qui m’envahit et me couvre, le sexe qui me pénètre et que j’endosse, la bouche qui me suce et que je déshabille…Tout devient métaphore vestimentaire. Les organes sont des habits sans attaches ni coutures qui retrouvent leur état de pièces de tissus prêtes à être assemblées : on peut ainsi les joindre ou les défaire selon un ordre nouveau, sans objet, ni fonction. »
Extrait de Érotique, esthétique. Sous la direction de François Aubral et Michel Makarius Ed. L’Harmattan, 2001.